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E-commerce et vente de vin en ligne: l’approche stratégique d’une petite entreprise (Strategic Analysis Of A Small Wine E-business Company)

P-C Pupion
MCF, HDR, membre du CEREGE

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Abstract

Wine and spirit e-business is currently one of the most growing and competitive industries in France. In this study, we analyze the competitive model of wine e-business, through Porter’s competitive forces. We propose to highlight on strategic groups that interact within this industry in order to explain the strength and the aggressiveness of the competition within online wine’s business. We aim hereby to understand if and how small businesses take market shares in this particular business. Resource based view theory will be widely used to analyze key resources and competencies that are mandatory for a small company to get success in the wine industry. Based on a wine cellar case study, and its online website, this study demonstrates how important competencies valuation and value creation to customers are as part of a wine ebusiness strategy (build online catalog, design the web interface with value added for users/visitors, choose the most appropriate web infrastructure, redirect traffic to the website and convert visitors into customers, manage customers relationship and loyalty, select an appropriate supply chain infrastructure…). By using Resource Based View theory we demonstrate that value offer is a core component of the wine e-business model which is continuously moving alongside with the company and its website’s life cycle.

 

Keywords

internet, e-business

INTRODUCTION

Le e-commerce en vin est actuellement un secteur en forte croissance en France confronté à l’entrée de nombreux prestataires. Les caractéristiques de ce marché conduisent à s’interroger sur la dynamique spécifique du secteur et les formes de concurrence existantes en mobilisant le modèle d’analyse des forces concurrentielles de Porter (1980). Notre démarche de recherche, nous conduit à proposer une analyse par groupes stratégiques, fondée sur la stratification du secteur du e-commerce du vin afin d’apprécier l’intensité relative de la concurrence et d’en expliquer la dynamique. Au-delà, il convient de s’interroger sur la manière dont les firmes entrantes peuvent construire un avantage concurrentiel. L’objet de notre étude est de montrer, via l’étude du cas de la société de e-commerce « lacontre- etiquette.com », anciennement « ochato.com », comment les petits e-marchands de vins parviennent à se faire une place sur ce marché, grâce à une stratégie de niche. En effet, cette société articule de façon originale un ensemble de ressources et compétences qui lui permettent de s’inscrire de façon singulière dans le réseau de valeur en plus de l’achat et de la revente de vins. La proposition de valeur est au centre d’un modèle d’affaires original qui évolue avec les différentes phases du cycle de vie de l’entreprise et de son site. Dans une première partie est présentée la « dynamique de l’environnement concurrentiel dans le ecommerce du vin ». Dans une seconde partie est analysée la « dynamique de la stratégie concurrentielle d’un site en ligne de vin: le cas de la-contre-étiquette ».

1. Dynamique de l’environnement concurrentiel dans le e-commerce du vin

Une fois présentés les différents acteurs de la filière viticole et décrit le secteur du ecommerce du vin, nous réalisons une analyse concurrentielle de celui-ci et menons une analyse par groupe stratégique afin de mieux cerner la dynamique concurrentielle.

1.1. Place du e-commerce du vin dans la filière viticole

La filière viticole comprend en amont les producteurs et en aval les consommateurs avec ou non, selon le circuit de distribution, la présence d’autres intermédiaires. A l’instar de nombreuses coopératives, certains acteurs cumulent les fonctions de vinification, d’embouteillage et de distribution. Si les grands producteurs traitent directement avec la grande distribution les petits producteurs se doivent de coopérer pour trouver les débouchés ou privilégier la vente spécialisée ou directe.
La distribution du vin est marquée par l’importance de la distribution alimentaire qui représente plus de 85% des achats, avec notamment les grandes et moyennes surfaces et le hard discount qui ont une part de marché respective de près de 65% et 20%. Les circuits spécialisés, recueillent 15% des achats et se répartissent entre les magasins spécialisés, la vente directe et celle à distance. Cette dernière se déverse progressivement sur l’achat en ligne : si en 2008 le courrier et le téléphone représentaient encore près de 75% des ventes contre 25% pour les sites sur internet, les chiffres respectifs étaient déjà de 61% et 39% en 2009.
Ce mode de commercialisation par internet procure une meilleure visibilité du produit et permet une extension de la zone de chalandise et de l’offre. Le marché du vin en ligne est en forte expansion avec une croissance annuelle de plus de 30% depuis 2007 et un chiffre d’affaires en France estimé à 237 millions d’euros en 2009. Au niveau mondial le marché estimé à 3,6 milliards d'euros, ne représente qu’à peine 3%. Le marché français comprend plus de 285 sites de e-commerce vin, avec un taux de renouvellement annuel des acteurs estimé à près de 7%.

1.2. Analyse des forces concurrentielles dans le e-commerce du vin

L’analyse des perspectives de profit du secteur du e-commerce du vin doit prendre en compte les différentes formes de concurrence étendue que constituent les cavistes traditionnels, les grandes surfaces ou même les producteurs.
Spécialiste d'économie industrielle, Michael Porter (1980) propose, au début des années 80, une méthode originale d'analyse du secteur d'activité, sur lequel évoluent les firmes. Selon lui, l’analyse du champ concurrentiel ne se limite pas au marché où se rencontrent l'entreprise et ses concurrents, elle doit s'étendre aux concurrents potentiels et à d'autres éléments d’environnement. Selon Porter (1980), la rentabilité potentielle de l'activité de l'entreprise est conditionnée par l’intensité des cinq forces concurrentielles suivantes: la menace de nouveaux entrants, le pouvoir de négociation des clients, le pouvoir de négociation des fournisseurs, la menace de produits de substitution et la concurrence entre firmes existantes.
- Dans le cadre du e-commerce du vin, la rivalité existante est vive, en raison de la multiplicité des sites et de la faible prégnance de barrières à la sortie. Il existe toutefois une certaine forme de situation d’oligopole avec trois firmes leaders à savoir 1855 avec plus de 25 000 références, wine and co avec plus de 10000, château online et ses 3000 références.
- Le pouvoir de négociation des fournisseurs est hétérogène et dépend de leur capacité à se différencier. Les grands châteaux de vin ou les grandes maisons de champagne sont en position de force car ils vendent un produit rare (leur nombre de bouteilles par an est limité) et pour lequel il y a une forte demande des pays de l’Asie et de la Russie. Ce type d’offre suscitant du trafic sur les sites de vente est indispensable pour tout distributeur de vin on-line. Dans le milieu de gamme, le pouvoir de négociation appartient davantage au distributeur car le marché est en situation de surproduction. Les autorités européennes mènent d’ailleurs, une politique d’arrachage de vigne pour faire baisser le volume produit et faire monter les prix. Le dernier groupe de fournisseurs est constitué de vignerons actuellement peu connus mais dont les ventes et le pouvoir de négociation vont vite augmenter dans les cinq ou six prochaines années.
Le pouvoir de négociation des clients dans le domaine du e-commerce du vin est assez faible. Il s’agit principalement d'un marché en B2C avec un prix de revient qui n'est pas forcément connu de tous. Contrairement à d’autres marchés les ventes groupées de vin par internet sont assez peu développées.
- La menace de produits de substitution est importante au sens où les fonctions remplies par ce mode de distribution peuvent être en grande partie remplies par d'autres et notamment par les modes traditionnels de distribution.
- La menace de nouveaux entrants est assez forte en raison de l’importance des barrières à l’entrée. La première barrière est liée à l’importance des dépenses marketing nécessaires à la réalisation de l’activité et au développement du trafic. La seconde est liée à la logistique (le vin est une denrée fragile qui voyage dans des conditions particulières pour que le goût ne soit pas altéré lorsqu’il est transporté sur de longues distances) et à l’existence d’importantes économies d’échelle dans le domaine. Les principaux acteurs ont d’ailleurs déjà intégré dans leur core business le fait d'avoir des entrepôts et de gérer une chaîne logistique complexe. Ainsi Château-Online s'est associé à une grosse plateforme logistique pour bénéficier d’économies d'échelle. La principale menace d’entrée provient de la grande distribution qui peut mobiliser des budgets marketings importants et dispose en grande partie des compétences nécessaires en termes de logistique. Depuis trois ans se sont également lancés plusieurs sites de ventes privées de vin. Ainsi le site Ventealapropriete.com avec 1,7 millions d'euros de CA en 2008, 140 000 membres et 300 000 visiteurs uniques par mois est le site marchand de vin le plus visité en France, et ce devant les marchands en ligne traditionnels Wineandco (plus de 250 000 VU) et ChateauOnline (plus de 200 000 VU). La menace peut également provenir de la vente directe pratiquée par les coopératives et les producteurs. Selon l’enquête réalisée par le groupe Xerfi en 2008 (xerfi700) seuls 4% des vignerons utilisent la vente online alors même que 18% se servent d’internet pour faire la promotion de leurs produits.
Le secteur, en l’occurrence ici les sites marchands de vin en ligne, comporte des organisations très diverses aussi convient-il d’élaborer une cartographie de groupes stratégiques afin de mieux appréhender la rivalité existante entre firmes (Hunt, 1972, Newman, 1973, 1978 et Porter, 1973, 1976).
Ces analyses nous permettent d’établir des sous-ensembles d’organisations ayant des caractéristiques stratégiques similaires et se faisant directement concurrence. Elles réduisent l’état d’incertitude des dirigeants en leur permettant d’anticiper l’effet des stratégies des concurrents directs sur leur environnement.

1.3. Mode d’élaboration des groupes stratégiques dans le e-commerce du vin

L’état de l’art sur cette question montre qu’il existe trois modes de constitution des groupes stratégiques.
Selon la méthode préconisée par Porter (1973) le groupe stratégique se définit comme un ensemble de firmes similaires sur certains aspects de la stratégie concurrentielle. L’existence de groupes et leurs différences de rentabilité résultent alors de barrières à l’entrée et à la sortie (McGee, Thomas, 1986).
Selon une seconde perspective dite stratégique, les groupes résultent de facteurs internes (Baird, Sudharsharn, & Thomas, 1988; Hatten, Schendel, & Cooper, 1978) et leur constitution nécessite l’identification de variables pertinentes permettant de stratifier le secteur.
Selon une troisième voie dite cognitive, le groupe stratégique correspond à un ensemble des dirigeants ayant en commun un ensemble de connaissances partagées sur la logique et les hypothèses sous-jacentes aux décisions. Ils ont la même vision de la façon dont-ils se concurrencent1.
La théorie de l’apprentissage social est sous-jacente à cette analyse. Les dirigeants, se définissant en relation avec les autres, comprennent mieux leur environnement complexe (Peteraf & Shanley, 1997 ) et sont dans un moindre état d’incertitude.
Dans le cadre de cette étude sur le e-commerce du vin, nous avons retenu la seconde voie en distinguant comme critère le caractère exclusif ou non du canal de distribution en ligne (partition entre pure player et click-mortar), la place au niveau de la filière (producteur / négociant / caviste). Ainsi les distributeurs Click-and-Mortar sont présents dans le monde électronique (Click) mais disposent contrairement aux pure players d’un réseau de magasins physiques qui leur permettent de rassurer leurs clients et de leur proposer des services plus élaborés (retrait et service après-vente en magasin, par exemple). Par rapport aux distributeurs n’ayant que des magasins (mortar), ils disposent avec leur site Internet d’un outil performant pour offrir à leurs clients une expérience d’achat améliorée (en faisant notamment disparaître les contraintes physiques et temporelles).
Concernant le critère de la place dans la filière viticole, il convient de distinguer les vignerons indépendants, des viticulteurs, des négociants et des cavistes. Les vignerons indépendants assurent la production de leur vin, du cep de vigne à la mise en bouteille, en passant par la vinification, ils constituent la branche artisanale. Les viticulteurs proprement dit n'effectuent pas la vinification et ont recours, pour la commercialisation en France, aux coopératives ou « négociants manipulateurs » qui achètent du moût de raisin, voire du raisin frais et assurent la vinification eux-mêmes. Les entreprises de négoce, par définition, achètent des raisins pour les vinifier et des vins pour les commercialiser. Les négociants souvent propriétaires de vignes peuvent être producteurs et commercialiser leur propre production en plus de celle de producteurs indépendants. Parfois éleveurs, ils assemblent des vins d’une même appellation fournis par divers producteurs et les élèvent ensuite dans leurs chais. Certaines grandes maisons produisent et commercialisent des vins issus d’autres régions. Les cavistes sont des magasins spécialisés dans la vente de vins qui offrent des conseils et proposent une expertise. Ils appartiennent à des chaînes de cavistes succursalistes (telles que nicolas avec 446 magasins ou intercave avec 135 magasins) ou sont adhérentes à la fédération nationale des cavistes indépendants.
Par croisement de ces deux ensembles de critères, nous distinguons donc dans le ecommerce du vin, quatre groupes stratégiques :
- les cavistes traditionnels qui ont développé des sites marchands (par exemple nicolas.com),
- les sites de vente à distance qui ont développé un réseau physique de distribution par l’implantation de magasins regroupés sous le terme générique de click-mortar (par exemple la-contre-etiquette.com),
- le groupe des pures players spécialisés uniquement dans la vente en ligne (chateauonline.com, 1855.com),
- le groupe émergent des producteurs et le groupe des négociants (tels que Henri Maire).
L’e-commerce qui inclut tous les sites sur lesquels vous pouvez effectuer des transactions d’achat et vente en ligne de vin est un canal de distribution qui comprend environ 42% des vendeurs de vins en ligne qui sont des "pure players" (dont 10% faisaient antérieurement de la vente par correspondance), 24% sont des "click and mortar", 18% sont des négociants, 16% sont issus de la vente directe. Les pure-players jouent un rôle central en raison de leur taille et du trafic qu’ils génèrent pour le e-commerce (les principaux sites sont rappelons-le 1855.com chateauonline.com, chateaunet.com).
Le développement de la firme ne dépend pas seulement de son positionnement externe et du jeu des forces auquel elle est soumise, mais une bonne part de son succès dépend aussi des ressources qu'elle a à sa disposition et qu'elle mobilise à sa façon au service de son offre pour ses clients. Quels types de Ressources sont source d’avantage concurrentiel pour l’activité de e-commerce du vin?

2. Dynamique de la stratégie concurrentielle d’un site en ligne de vin: le cas de la-contre-étiquette

Nous allons rapidement présenter la méthodologie de l’étude de cas avant de présenter la dynamique des choix stratégiques de cette société qui reposent sur certaines compétences et ressources clés.

2.1. Méthodologie de l’étude de cas menée sur la-contre-étiquette

L’étude de cas réalisée ici vise à examiner comment un site marchand en ligne doit construire une stratégie concurrentielle en relation avec son portefeuille de ressources et compétences pour se construire un avantage concurrentiel. Elle a été réalisée sur la période de décembre 2008 à mai 2010 à partir d’éléments d’observations sur le site, d’entretiens semi-directifs menés auprès des dirigeants de cette entreprise. L’analyse des données a consisté en une analyse de discours basée sur un codage thématique (Fortin, 1996 ; Wacheux, 1996 ; Miles et Huberman, 2003). L’étude repose également sur l’analyse documentaire de documents d’enquêtes réalisées sur le secteur (XERFI 7000, eperformance barometer, INSEE). Basées sur la recherche bibliographique et documentaire, sur des entretiens et sur des observations, les données collectées ont produit une triangulation (Yin, 2003).
La société nommée au départ ochato.com sur le net est désormais appelée la-contreetiquette. com, nom qui symbolise davantage la stratégie de conseil à la clientèle et la sélection rigoureuse des vignerons. La firme, ayant au début du projet, l’idée d’être pure players, a choisi par la suite de s’inscrire dans le groupe des clik et mortar en se dotant d’une cave sur Paris dans le 10ème arrondissement.

2.2. Une stratégie de niche dans le commerce électronique

La société la-contre-étiquette a été conduite à retenir une stratégie de niche ou de focalisation en lien avec les facteurs clés de succès et l’avantage concurrentiel qu’elle disposait sur un segment de marché, celui des connaisseurs. Elle s’appuie sur la sélection de vignerons en devenir qui disposent d’un bon rapport qualité-prix et se situent dans le moyen de gamme. Selon le dirigeant associé responsable du marketing, il y a deux catégories de consommateurs de vin sur Internet:
- les fins connaisseurs qui apprécient la différenciation mais sont très peu fidèles, ils vont sur les sites en correspondance avec un besoin précis en matière de consommation de vin;
- les novices, qui veulent découvrir des choses et sont effrayés par une différenciation trop importante.
La stratégie mise en oeuvre a consisté à se développer vers le marché des connaisseurs même si au départ cela ne correspondait pas forcément aux intentions des dirigeants. Les attentes de cette cible étaient en correspondance avec la sélection assez rigoureuse et pointue des producteurs. Les connaisseurs représentent la part principale du chiffre d'affaires même si initialement « la société avait sous-estimé le panier moyen de ce type de client qui pour la société se situe désormais à 160 euros ». La firme a dû s’adapter et reconfigurer le site « en abandonnant les codes couleurs propres au vin (blanc, bordeaux…) pour une présentation plus luxueuse avec des couleurs plutôt noires et de grands visuels de bouteilles plus grosses davantage en phase avec ce type de clientèle». Les dépenses marketing sont en correspondance avec cette stratégie, il ne s’agit plus de faire de la publicité sur Internet d’acheter des mots clés sur internet pour viser le grand public. Il convient au contraire selon le dirigeant de privilégier les relations presse pour être présent chez les prescripteurs et sur les sites ou forums dédiés aux dégustateurs.
Le danger de toute stratégie de concentration ou de focalisation c’est que la niche perd de son intérêt ou que les avantages d’une large gamme se renforcent.
Le choix de s’intégrer au groupe de click and mortar en se dotant d’une cave à Paris permet d’élargir le champ de clientèle et atteindre la clientèle novice. Le fait d’avoir une boutique physique permet de rassurer les gens notamment les non-connaisseurs, « la cave est un vrai point de rencontre ». Cette stratégie permet également d’augmenter le taux de transformation Il y a complémentarité entre les deux modes de distribution : la consultation d’une bouteille sur le site attire le chaland à la cave où il va la goûter et acheter au moins une bouteille puis ensuite il réalisera d’autres commandes sur le site.
Cette stratégie de niche est source d’avantage concurrentiel dans la mesure où elle s’adosse aux ressources et compétences de l’organisation la-contre-étiquette.

2.3. Une stratégie adossée à un portefeuille de ressources et compétences

Selon la théorie du management par les ressources, le développement d’une firme dépend en grande partie des ressources qu'elle a à sa disposition (Penrose, 1959) et mobilise au service de son offre pour les clients. Ces ressources peuvent être classées en utilisant la typologie de Hofer et Schendel (1978) en ressources financières, humaines (le nombre de salariés, leur niveau de qualification..), physiques (bâtiments, matériels...), organisationnelles (système d'information, procédures...) et technologiques. Toutes les ressources possédées par une organisation ne confèrent pas un avantage concurrentiel seules, les ressources dites stratégiques (différenciatrices ou fondamentales) portent en elles cette potentialité. Une partie importante des travaux a été consacrée à identifier leurs attributs.
Les ressources pour être source d’avantage concurrentiel (Grant, 1991) doivent
- procurer une rente ou permettre de tirer parti d’opportunités de marché parce qu’elle contribue significativement à la valeur du produit final pour le client,
- être rares et peu partagées par les organisations concurrentes (Barney [1991]).
- être difficilement imitables afin d’empêcher les concurrents de répliquer la stratégie ;
- avoir une longue durée de vie, certaines ressources et compétences peuvent avoir une durée de vie illimitée, et se développer au fur et à mesure de leur utilisation la ressource.
La stratégie doit viser à exploiter ces ressources rares, inimitables, non substituables et valorisée par le client ou l’usager dont dispose l’organisation. Les compétences fondamentales sont les activités ou processus au travers desquels les ressources sont déployées de manière à obtenir un avantage concurrentiel difficilement inimitable. Hamel et Prahalad (1990) définissent la compétence fondamentale comme un ensemble de savoirs et savoir-faire qui permet à l’organisation de proposer un produit ou un service source d’avantage concurrentiel. Les compétences correspondraient aux capacités de l’organisation à démultiplier ses ressources en les combinant, elles incluraient les processus organisationnels, l’information, les connaissances tacites. Les compétences fondamentales et ressources mobilisées par la société dite la contre-étiquette ont trait à la connaissance du vin, à la sélection de vignerons fournisseurs, et à des compétences en termes de systèmes d’information et de marketing portées par chacun des associés dirigeants.
Toute entreprise de commerce électronique doit déterminer la place qu’elle a l’intention d’occuper entre le producteur et le client final : se contentera-t-elle de se centrer sur l’achat et la revente de produits ou prendra-t-elle une autre place dans le réseau de valeur, en complément de l’activité achat et revente ? La stratégie initiale d’ochato.com était de mettre en contact les producteurs et les consommateurs finaux mais cette stratégie n’apportait en fait que peu de valeur aux clients. « C'était le projet initial... se faire une place sur le marché sur lequel n'importe qui pouvait directement vendre à n'importe quel acheteur.. » ainsi que le mentionne un de ses dirigeants. Toutefois cette stratégie ne procurait pas à l’entrant d’avantage concurrentiel durable. Pour créer de la valeur aux clients, il convenait de les guider, de les conseiller : « en avançant sur le sujet on s'est rendu compte que si on voulait créer une vraie marque et une fidélité, il fallait sélectionner en amont les vignerons pour être sûr de la qualité de ce que l'on a à proposer ». Ainsi que le souligne le dirigeant responsable du marketing « dans le vin, malheureusement, on trouve tout et n'importe quoi... du bon et du mauvais ; il y a beaucoup de déception chez les consommateurs… l'internet ne fait que renforcer ce phénomène». Le client achetant du vin sur Internet a peur de se tromper aussi faut-il l’informer et le guider dans ses choix. Cette idée est inscrite dans le nom du site la « contre-étiquette »... La contre-étiquette, c'est l’étiquette que l’on trouve à l'arrière d'une bouteille où le client dispose d’informations sur le vigneron, les cépages, le type d’aliments ou de plats avec lequel le vin s'accorde en mangeant... « Le choix du nom est en correspondance avec le positionnement, il s’agit d’aller à l'encontre des grandes étiquettes pour proposer une sélection plus pointue et plus fine et valoriser notre travail de sélectionneur. »
En matière de commerce électronique du vin, la première compétence mobilisée par la société étudiée est celle liée à la connaissance du produit. Cette compétence est apportée par un « dirigeant associé métier » qui connaît le vin et est à même de juger, par ses capacités oenologiques de la qualité du produit et de répondre à d’éventuelles critiques. Le facteur-clé de succès réside dans la sélection de bons vignerons (ce qui nécessite de bien connaître les attentes des clients) et l’élaboration d’un assortiment large et cohérent.
La deuxième compétence est liée à la logistique, il faut disposer d’une logistique capable de traiter et livrer les commandes en ligne. Le positionnement retenu dans la chaîne de valeur, celui de conseiller, a permis en fait d’externaliser en grande partie cette fonction. La stratégie initiale d’ochato.com était de mettre en relation le vigneron et le consommateur, d’être un facilitateur. Aussi la plupart du vin part-il directement du vigneron, ce qui évite d'avoir les importants coûts de stockage qu’ont les concurrents pure-players… Cela ne dispense pas pour autant d’avoir recours à un logisticien afin d'optimiser les coûts de transport et de profiter d’économies d'échelle. Ces coûts peuvent d’ailleurs devenir prohibitifs dans le cas de certaines exportations où le transport de quantités par Chronopost et DHL reste extrêmement cher...Il faut en termes logistique savoir utiliser des transporteurs spécialisés qui savent manipuler le vin produit fragile et périssable (s'il prend un coup de chaud ou de froid il parvient à destination en n’ayant plus le même goût) et utilisent pour les longues distances des conteneurs réfrigérés.
La troisième compétence est liée à la gestion d’un système d’information adapté au commerce électronique « Le fait de vendre sur Internet demande d'avoir des compétences en informatique et en système d'information : « si tu veux grossir il faut disposer d’un système qui sache monter en charge et cela demande des compétences techniques même si aujourd'hui il existe des formules toutes faites… On peut certes toujours trouver une boutique mutualisée... qui propose une boutique en ligne mais alors la société sera toujours dépendante d’un tiers, pour développer, personnaliser et adapter le site ». Cette compétence se révèle d’autant plus cruciale que l’ergonomie du site et la politique marketing doivent s’ajuster au fur et mesure de la croissance du site. On peut en la matière distinguer quatre grandes phases:
La première est caractérisée par la recherche et le développement du trafic sur le site. La croissance est souvent lente et se fait par paliers 500 visiteurs, puis 1000 puis 10 000… Le dirigeant responsable du marketing de la société note que cette lente croissance est pour les porteurs de projet sur internet une source importante de désillusion. Le dirigeant peut essayer d'augmenter le taux de fréquentation en accroissant ses dépenses publicitaires et en améliorant l’ergonomie du site. Une partie du trafic est naturelle mais l’autre doit être achetée par l’achat de mots clés référencés et la publicité. Toutefois l’existence d’un fort trafic sur le site ne suffit pas encore faut-il que les visiteurs achètent.
La deuxième phase est caractérisée par la recherche de l’efficacité du trafic et la transformation de visiteurs en clients. L’essentiel du travail consiste en la modification de l’ergonomie du site : « c’est une des forces d’internet, quand tu as du trafic tu peux tester facilement des choses et changer les positions des objets sur le site et cela beaucoup plus facilement que dans un magasin afin de transformer de façon plus importante les visiteurs en acheteurs.
La troisième phase est celle de l’efficience, il s’agit de réduire le coût du trafic et accroître le panier moyen du client. Il faut faire les bons choix en termes de budgets médias, d’achats de mots clés et de fichiers d’adresse avec une bonne probabilité de transformation. Le dirigeant de la société la-contre-étiquette prévoit ainsi de réduire les dépenses de publicité générale sur internet et d’opter pour l'achat de mots-clés ciblés: « l’achat de mots clés c’est pour faire la promotion de ce que tu vends et non du vin en général, nous allons donc travailler sur nos spécificités ». L’augmentation du panier moyen du client est aussi une voie permettant de réduire les coûts. « Si pour le même client, on arrive à augmenter son panier moyen cela va coûter moins cher, du coup, tu vas optimiser ton trafic »
La quatrième phase est fondée sur le développement de la valeur du capital client et sa fidélité. Selon un des dirigeants de la-contre-étiquette, la fidélité est difficile à construire sur internet. La concurrence joue beaucoup, toute défaillance en termes de logistique peut faire perdre le client. « La fidélité c'est le nerf de la guerre, c'est ce qu'on essaye de faire en ce moment ; on essaye de renforcer notre connaissance client pour lui trouver des astuces pour acheter d'autres produits et lui offrir des offres promotionnelles à certaines dates (anniversaires…).
Ces compétences en termes d’oenologie pour la sélection de vignerons, de gestion des systèmes d’informations et du cycle de vie du site sont la base de la réussite du cas étudié. Elles permettent à cette entreprise de se différentier en termes de création de valeur pour le client.

Conclusion

Le secteur du e-commerce est un secteur où les perspectives de profit sont limitées par la capacité d’acteurs traditionnels du marché du vin (grande distribution et ventes privées notamment qui disposent du savoir-faire logistique) à entrer sur ce marché en forte croissance et par le pouvoir qu’ont certains producteurs leaders d’imposer leurs prix (grandes maisons de champagne, grands bordeaux…). Une analyse plus fine du secteur montre en fait que la concurrence ou rivalité existante entre firmes est différente selon que la société retient seulement la vente par électronique (stratégie de pure player) ou qu’elle dispose de magasins (click and mortar) et selon sa position dans la filière viticole (producteur, négociant…). L’analyse de la stratégie de la société la-contre-etiquette.com, nous permet d’expliquer comment un petit site marchand électronique peut construire une stratégie gagnante en se focalisant sur une clientèle ciblée de connaisseurs. Cette stratégie adossée à un ensemble de ressources et compétences notamment dans le domaine du vin, lui permet de créer de la valeur par une sélection rigoureuse des vins dans le moyen de gamme et par l’offre de conseils que symbolise le nom du site la-contre-étiquette. Cette dimension conseil est aussi présente dans la vente à la cave située dans le 10-ème arrondissement à Paris. Toutefois le développement de la vente et l’augmentation de la rentabilité de l’entreprise nécessitent l’adaptation de l’ergonomie du site et une modification constante des stratégies publicitaires afin de développer la valeur du capital client. Le grand enjeu du commerce électronique demeure pour cette société comme pour les autres celui de la fidélisation de la clientèle.
1 Hatten et Hatten (1987) soulignent qu’il pourrait n’exister aucun groupe stratégique dans l’absolu et que les regroupements de firmes ne seraient que des construits analytiques et conceptuels.

Figures at a glance

Figure 1
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References


























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